Notices de concerts

A propos des notices de concerts…

N.B. 1. Les chiffres romains, parfois accolés à la numérotation des séquences, indiquent les endroits où l’œuvre est divisible et où l’on peut ménager des pauses plus ou moins longues dans le temps de l’écoute, contrastant ainsi avec les autres parties de l’oeuvre qui sont reliées entre elles par la dynamique ou la poétique de la forme.

2. Les oeuvres ne précisant aucune nomenclature, sous-entendent qu’elles sont conçues pour bande magnétique.

3. Elles sont données par ordre aphabétique pour être appelée plus facilement.

AVE MARIA – 1987 – 5’37 –

L’Ave Maria est une petite pièce qui répond, en quelque sorte, à l‘ “énormité”  de la Messe aux oiseaux  et a été composée presque en même temps. Mais ici, cet “exercice” expressif sur la vocalité peut paraître étrange : c’est, en effet, une tentative de ma part de mettre la voix en dehors de son image traditionnelle de pureté sulpicienne, qui a été l’approche des compositeurs des quatre ou cinq  siècles précédents. J’ai cherché  à accentuer plutôt l’aspect charnel et angoissé de la prière, à la dramatiser surtout pendant les derniers versets et à la distendre en multipliant les timbres de la voix, dans un expressionnisme à la Grünewald.

BERCEUSE POUR UN ENFANT DE PALESTINE

2005 – 29’O5

sur un poème de Jacques Lejeune

1.1.La Blessure : 4’57 La Danse des barbares (in memoriam Rachel Corrie) : 10’23

Le Dieu imbécile : 5’34

La Descente du puits sans fond : 7’50

Ici, ce n’est plus la voix musicale du Cantique des Cantiques, traitée par ordinateur et qui s’exprimait dans une narration accompagnée, linéaire, hiératique, parfois même estompée dans sa lisibilité. C’est la voix qui récite ou la voix récitante manipulée « naturellement » (cf. « Musicalité, théâtralité et poétique dans le n°9 des Portraits Polychromes») : crue et charnelle, encore assez souvent seule et multipliée sur elle-même, elle prend beaucouup d’importance en présence et en durée ; matériau de construction, au même titre que les sons qui l’accompagnent ou la relaient, elle tisse un théâtre de chair et de sang, se nourrissant et participant aux dynamismes, aux intensités et aux vitesses et, de la sorte, structure l’ensemble de la pièce.

En effet, cette architecture hétérogène porte et gère tout à la fois la force émotive de la phrase, les nuances de la rêverie poétique, l’impression tactile de la vocalité, la vigueur du son musical et du verbe ainsi que la présentation magique des sens multiples. Tous ces éléments s’appuient les uns sur les autres dans une même harmonie de mouvements et de dits, et dans cette pièce plus qu’en toute autre, je me sens totalement un compositeur de sons, de mots, d’images, d’analogons de la réalité et de métaphores.

BLANCHENEIGE -1975 – 40’40

1.Il était une fois :1’40

2. Naissance d Blancheneige :1’53

3. Déploration de la mère de Blancheneige : 3’25

4. Entrée et danse de la nouvelle reine : 3’22

5. Rêverie de Blancheneige : 2’06

6. Danse du miroir : 2’03

7. Course du chasseur entraînant Blancheneige : 5’16

8. Solitude de Blancheneige dans la forêt nocturne : 4’25

9. Danse des nains devant Blancheneige endormie : 4’02

10. Apparition de la reine déguisée : 1’20

11. Défilé funèbre des nains : 3’20

12. Arrivée du prince et renaissance de Blancheneige : 3’02

13. Marche de la reine au supplice : 1’44

14. Galop final à la cour du prince : 2’57

Cette version de concert, d’une facture différente et plus resserrée, elle a été conçue parallèlement à la réalisation du ballet Fantasmes.

Un monde où toutes les choses, animées à l’image de l’homme, a existé jadis. Tout dans la nature était anthropomorphe et se parlait un même langage entre animaux, fées, dieux, miroir magique et nains : les personnages du jour et de la nuit manifestaient leurs jeux, leurs colères et leurs apaisements en se mêlant à ceux du chemin et du carrefour, aux pierres et à la forêt, aux nuages, au vent et aux étoiles. Tous ces êtres et ces choses personnifiées transformaient un geste en intrigue et la nature en un véritable théâtre qui nous semblent aujourd’hui inanimés.

Le mythe et la légende n’ont qu’une naissance présumée : « Il était une fois » ne précise pas de date et le récit reste intemporel. C’est une conception du passé primitif, d’avant l’histoire chronologique. Cette résurgence de notre imagination enfantine est plus flagrante pour certain que pour d’autres. Parfois des lambeaux de ce passé collectif réapparaît aussi dans le rêve qui lui aussi reste incohérent et hors du temps.

Aujourd’hui, je me met à rêver à cet âge antique au travers d’une imagerie que me permet l’enregistrement, d’une « réalité » et de la modifier en montages et en collages multiples propres à la musique concrète. Par l’arrivée de cette merveilleuse invention proposée à l’esprit moderne, réapparaît le contenu informel des rêves, de la pensée magique de l’enfance et de la pensée mythologique de nos anciens. Cette pièce porte sur le thème de la forêt profonde, celle du conte ou la trace du chemin s’est perdue dans la forêt inextricable. Blancheneige (je n’apprendrais rien) est le voyage initiatique d’une enfant abandonnée « au plus profond » de la forêt, comme une théâtralisation de sa vie jusqu’au stade adulte où elle atteint enfin l’orée et la lumière. C’est une pièce conçue en succession de quatorze séquences au contenu expressif et qui suit à peu près le texte des frères Grimm.

CANTIQUE DE LA RESONANCE(LE)

1985 – 22’20

1. Météorophonies ou mirage-magie-image : 7’42

2. Le bronze et le cristal ou calligraphisme-alliage-germination : 11’46

3. Le vol nuptial ou appel-désir-agonie : 6’01

Images de fumées et de bourrasques réalisées à partir de formes arquées, pulsées et éclatées, mêlées à des figures d’air et de souffle ; variations sur l’image-fantôme et le simulacre de l’image réelle qui ne sera révélée qu’en toute fin de la séquence.

Trois micro-séquences figurent trois états d’entretien de la résonance : d’abord surdessinée, contorsionnée dans l’aigu et le suraigu, à l’encontre de son image lisse, régulière et sage ; puis se gonflant en épaisseur et en poids et s’amplifiant de ses différents registres pour en exprimer les couleurs ; enfin, se cristallisant en une sorte de goutte à goutte, d’arborisation minérale.

La résonance s’exprime ici, non plus dans le sens de la prolongation du son émis mais dans celui de vibration par sympathie : l’insecte n’existe que par rapport à ses reflets multipliés dans l’essaim : projections électriques, images d’ivresses, de collisions, d’exacerbations ; éloge de l’infiniment petit, où chaque point-cri, dans son existence individuelle, n’est qu’un simple geste de ralentissement ou d’accélération ; image de mille palpitations se mêlant en une rumeur unique, ordonnées et portées par une volonté centrale, par une respiration collective…

CANTIQUE DES CANTIQUES (LE)

1989 – 65’18

(aux peuples du Liban et de Palestine)

• Premier poème :

Chant 1. Embrasse-moi car ta bouche m’enivre plus que le vin : 9’39

Chant 2. Mon bien-aimé est au milieu de ses compagnons comme un pommier parmi les arbres de la forêt : 3’58

Chant 3. J’entends mon bien-aimé qui accourt, franchissant les monts et les collines : 6’19

• Second poème :

Chant 4. Sur mon lit, cette nuit, j’ai cherché celui que j’aime : 4’55

• Troisième poème :

Chant 5. Que tu es belle, ma bien-aimée! : 8’35

Chant 6. Tu es un jardin clos, une fontaine secrète : 3’26

• Quatrième poème :

Chant 7. J’étais endormie, mais mon coeur restait en éveil : 9’22

• Cinquième poème :

Chant 8. Tu es belle comme Tirsa, attirante comme Jérusalem, redoutable comme une armée : 2’47

Chant 9. Reviens Sulamite, que nous te regardions! : 4’49

Chant 10. Viens, sortons passer la nuit dans la campagne : 3’44

• Sixième poème :

Chant 11. Sous le pommier qui t’a vu naître, je t’ai réveillée : 7’38

Dans ce poème, il s’agit d’un sacré qui échappe à tout dogme, à toute allusion religieuse. C’est plutôt le sentiment d’une profonde vénération qu’inspirent ces amants mythiques et fondateurs de la poésie amoureuse, appelés le Bien-aimé et la Bien-aimée, provenant de récits retransmis depuis la nuit des temps d’une culture à l’autre et qui se sont intégrés peu à peu autour d’un ou deux thèmes essentiels de l’humanité.

Il y a trois personnages-rôles : Lui, Elle et les Autres. Ces derniers sont le personnage multiple du théâtre antique, considérant ici le couple tantôt amicalement, tantôt avec réserve. Ils ne comptent guère et leurs discours n’ont pas la force ni l’à-propos d’un choeur traditionnel. Leurs interventions apparaissent de manière épisodique. Elles sont plutôt comme des taches vocales qui explosent à certains moments sans baliser véritablement la durée. Je les ai nommés les « autres » pour minimiser cette notion de chœur et j’ai brouillé leurs voix, les rendant parfois même incompréhensibles à certains moments.

Par son accumulation successive de formules, de poèmes et de textes épars, Le Cantique des Cantiques apparaît souvent inarticulé et sans liens apparents. J’ai profité de l’obscurité relative et de l’absence d’action véritable de ce texte pour insister sur la dimension d’un espace poétique où les choses et les sentiments se heurtent et se dissolvent à la fois dans le rêve et le danger.

CANTUS TENEBRARUM

1984 – 37’31

(à la mémoire de Micheline Coulombe Saint-Marcoux)

I – 1. Natura stupebit : 2’20
– 2. Tuba mirum sparget sonum : 3’38
– 3. Dies lacrimosa et amara : 4’44
II – 4. Quid sum miser tunc dicturus ? : 4’51
– 5. De profundis lacus obscuri clamo : 3’17
III – 6. Dies Irae, tremoris et calamitatis : 4’25
IV – 7. Requiem aeternam : 5’12
V – 8. Chorus angelorum te suscipiat : 8’46

J’ai voulu évoquer ici le thème du Requiem et plus précisément celui du Poème du Jugement. Certains fragments de versets ont été pris comme point de départ de figures violentes de mouvement et de développements dramatiques de la vocalité. Ils m’ont inspiré une double logique dans la construction de la forme de l’œuvre : celle d’une succession d’étapes dans l’iconographie symbolique de la nuit où se mêlent indistinctement les mouvements divers de la multitude, du groupe ou de l’individu (voix adultes et enfantines, cris et chants d’animaux par analogie de couleur, d’intonation et de texture) et celle d’une traversée équivoque et tamisée du sens par laquelle le mot surgit, griffe la conscience et se dérobe continuellement, jusqu’à son devenir final de lumière et de couleurs phonétiques.

CHANSONS ZOOMORPHES

d’après un texte de Michelet et sur un montage de comptines de Jacques Lejeune

pour soprano, guitare, quelques accessoires et bande magnétique

1996 – 13’33

1. Le Colibri : 2’11
2. Le Cochon : 26″
3. Rêve de poules : 2’49
4. Méli-Mélo : 2’34
5. Le Crapaud et l’écureuil : 1’21
6. L’Oiseau de Chine : 3’21
7. Le Loup : 1’21

Par sa fraîcheur et son aspect pince-sans-rire, cette succession de saynètes se déroule comme un ruban bariolé, quelque peu hirsute et surréaliste (entre le jeu très moderne et savant de l’accompagnateur en « queue de pie et nœud papillon », le chant déluré mais «calculé» de la chanteuse et relativement sérieux (après les précédents de Ravel et Poulenc) et l’intrusion inattendue du sifflet de police, la feuille de journal déchirée ou celle des balles de ping-pong retombant par terre de manière totalement aléatoire…).

CLAIR D’OISEAUX

pour 3 chœurs d’enfants, clarinette et bande magnétique

1986 – 6′

Cette pièce légère est conçue pour bande magnétique, clarinette (ou éventuellement un autre instrument à vent) et trois groupes d’enfants. Sa vocation pédagogique s’affirme par le travail de ces derniers par rapport à la bande et à la partie de clarinette. Cette pièce a remporté un franc succès auprès des enfants.

CLAMOR MEUS VENIAT

1994 – 15’16

Clamor meus veniat est la métaphore d’un discours pathétique : d’abord l’étape de la plainte qui se meut dans l’expectative et l’attente et se prolonge dans le tangage et la déchirure des sons-menaces ; ensuite le récit du cri froissé, confronté à d’autres rythmes, à d’autres univers organiques que le sien, dans le tumulte, la révolte, le harcèlement et la précipitation, toutes choses qui rendent les pistes en présence contradictoires et dans lesquelles se perd la vie du personnage ; enfin le sentiment de s’abandonner, la tentation de s’échapper, de monter dans la rêverie de l’étirement et de la dilution.

CLIN D’OEIL À JEAN DE LA FONTAINE

pour 6 voix de femmes 

1993 5

Il ne faut pas longtemps écarquiller les oreilles pour distinguer parmi des animaux dont il est question, lun des plus humbles de tous mais qui savère un des modèles burlesques les plus étonnants : une grenouille qui se fait entendre, puis une autre,  puis encore une autre jusquà  ce que lensemble soit au complet (ici  6 chanteuses récitant chacune sa propre fable  sur  une boucle de différente longueur et qui se resynchronise  régulièrement). Lidée centrale de la pièce reste un travail sur le texte et sur la voix (sur le sens du mot et sur le son du mot ; sur la rencontre verticale des mots entre les voix ; sur létirement des mots dans le temps, etc.).

CRI

(à mon grand-père Victor)

 

1. Paysages mêlés : 8’02

2. Appels dispersés : 6’45

3. Eclats : 5’07

4. La terre raconte aux morts ce que disent les vivants : 9’02

1. Un ensemble d’évènements est perçu comme une variation jusqu’à ce que l’on ait mémorisé les mécanismes de cette variation. Ces évènements sont alors à leur tour perçus comme une permanence des lois de ces mécanismes au profit d’autres variations. Ce jeu permet d’identifier une permanence d’évènements avec un paysage sonore et une variation d’évènements avec les « habitants » de ce paysage. Dans ce premier mouvement, les variations deviennent tout à tour permanences et les permanences, variations comme autant de paysages préparant et s’intégrant à d’autres paysages.Le temps sonore par cet artifice, devient espace que l’on accepte de visiter dans ses détails ou que l’on refuse pour revenir au temps réel qui n’est plus celui de cette musique. Ainsi au début, le départ brutal du son fait pénétrer l’auditeur en plein centre d’une continuité de paysages; ainsi un interrupteur actionné par une main anonyme viendra couper ce mouvement comme on éteint la radio.

2. La première section de ce second mouvement est basée sur un fond rythmique qui symbolise le déroulement de temps sur lequel se détachent les appels au contenu descriptif volontairement extraordinaire, d’une voix qui tente d’arracher l’auditeur à cette continuité. Dans la deuxième section, le fond évoque davantage l’espace et les cris protéiformes l’habitent avec, cette fois, un contenu émotif (exclamations, rires, etc), puis le fond se résorbe et devient un jeu musical très concret animant un nouveau décor, celui de la multitude des voix dans laquelle quelques appels se distinguent encore. Enfin, dans la troisième section, étouffé progressivement, le sens des appels n’est plus perçu. Les cris deviennent une permanence et ne sont plus qu’un nouveau décor parmi les autres. Dans ce mouvement, le côté esthétique et travaillé des sons est surtout utilisé comme ponctuation, un peu comme un entr’acte pendant un changement de décor.

3. Le cri est ici continu : cris de colère et de fête, de musiques, de radio, de machines, de sirènes et de klaxons. La notion du temps s’impose sous forme de d’un rythme oppressif qui compresse et dilate l’énergie contenue, l’éclate et la fragmente, la varie en spasmes et en saccades. Un indicatif électronique se superpose régulièrement aux différents appels allusifs, mobilisant l’attention et, seul à la fin, amène le silenc

4. L’auditeur devient résonateur et le cri, étiré à l’extrême dans un temps ralenti, se fait matière organique dans l’épaisseur de laquelle on distingue de plus en plus les détails qui deviennent à leur tour matière événementielle. Cette épaisseur est le symbole du temps qui contient l’évolution de l’homme et qui, enfin traversée, révèle la voix de l’ancêtre. Ce cri, d’abord plainte familièrement humaine, s’affirme dans son origine instrumentale qui, ambigu et très grave, devient un râle profond. Les archétypes se sont tus, laissant la place à des murmures portés par l’écho. Ce sont ceux d’une foule calme et lointaine, qui vont et viennent parmi des bruissements concrets et organiques et qu’accompagnent, par transparence, les prémices d’un chant électronique, solliciteur de nouveaux paysages. L’espace-temps que l’on vient de traverser durant toute la pièce avec son contenu allusif, n’existe plus. Reste un jeu esthétique d’étincelles et de particules sonores diluées dans la vide. Le chant électronique revient, s’enfle et se libère enfin dans la conclusion de la pièce.

DANSE MACABRE (UNE)

1986 – 25’30

1. Eros : 6’20

2. L’approche : 7’56

3. Thanatos : 6’30

4. Danse de la séduction : 4’32

Il s’agit ici du thème de la jeune fille et de la mort dans la tradition picturale de Baldung Grien, Deutsch ou Graf. C’est dire que si la mort est évoquée, c’est en même temps l’amour et le sentiment d’un contact étroit allant jusqu’à la fusion ; histoire dans laquelle Eros devient l’élément féminin et Thanatos l’élément masculin, quelque chose qui, même vu de loin, ressemble à Roméo et Juliette, autre conception amoureuse et funèbre de la même époque. Le dramatisme s’estompe et se fond dans un discours allégorique, travaillé dans la lumière d’un léger martelé continu et tressaillant comme le clapotis musical de l’eau mais aussi comme une obsession qui devient assez vite étouffante. Il existe dans ce climat étrange et délétère une sorte d’angoisse permanente. Parfois, en émerge la présence d’un personnage extérieur au débat, plus réaliste, qui épie et semble regarder les deux protagonistes et qui inquiète encore un peu plus l’auditeur.

DEUX MOUVEMENTS PERPETUELS POUR UNE FONTAINE IMAGINAIRE

2003/2004

Ces deux morceaux, extraits de la pièce précédente et donnés hors de la situation du concert, sont joués ici en boucle, sans début ni fin à proprement parler. Il ne s’agit plus alors de les écouter mais de les entendre, par bribes ou par moments. Ils pourront être donnés l’un à la suite de l’autre ou séparément et servir d’accompagnement sonore suggérant simplement le son de l’eau (en se promenant dans un jardin, par exemple, comme une sorte d’utopie… )

EAU PRIMESAUTIÈRE (L’)

pour saxophone sopranino et bande magnétique

1997 – 12’50

Le titre évoque l’espièglerie du clown, les ricochets d’un caillou sur la surface de l’eau, les gestes-pirouettes du plus petit des saxophones… Ruptures d’intensité et de continuité, descentes et montées grandiloquentes, hennissements de cheval, accentuations exacerbées, staccatos, martelés, trilles et tremblements divers mais aussi silences dus aux interruptions dessinées dans la bande : le comique est dans la figure musicale fantasque comme le travail appliqué de l’équilibriste traversant sur un fil ténu, dans l’extrême aigu, les chutes d’un torrent…

ÉGLISE OUBLIÉE (L’)

1997 – 8’55

C’est à l’occasion d’un quatrième concert collectif, mettant en valeur la diffusion en huit pistes, qu’a été réalisée la version originale de cette pièce. C’est pratiquement la seule que j’ai conçue pour ce format (et pour laquelle, l’analogie entre les arbres de la forêt et la répartition des haut-parleurs s’imposait…). Un climat théâtral s’installe par le mouvement qui est donné à la pièce mais aussi par une histoire que l’on devine, peu à peu, savamment tramée avec trois ou quatre repères anecdotiques. On l’entend comme une légende : un cavalier, perdu au fond de la forêt, sonne de la trompe ; il aperçoit une église au milieu d’une clairière et fait quelques pas à l’intérieur ; on entend le mécanisme d’une horloge qui se met en marche, une cloche qui s’égrène mais il n’y a personne… Le cavalier reprend son chemin et s’enfonce dans la forêt qui devient de plus en plus étrange : les sons de cloches se transforment en arbres de la forêt, en un mouvement d’accélération ascendante…

ELOGE DE LA BETISE ou Les Péripéties des Ubu

Funambu(r)lesquerie en 14 séquences sur des textes de Alfred Jarry.

pour soprano, mezzo-soprano, baryton, deux saxophones baryton et bande magnétique

2000-2001 – 73′ 14

1. Mère Ubu reproche à Père Ubu son manque d’ambition : 7’54.

2. Les Ubu invitent à dîner un capitaine de l’armée polonaise et ses partisans mais la saveur des mets n’est guère appréciée par Père Ubu ni par les convives : 5’39.

3. Le capitaine s’étant allié au projet de conspiration de Père Ubu, celui-ci monte sur le trône de Pologne et décide de tuer tous les riches pour s’emparer de leurs biens : 8’33.

4. Pendant un premier intermède, un quiproquo s’installe entre Père Ubu et sa conscience à propos de l’image, concrète ou abstraite, d’un crocodile : 7′.

5. Dans la guerre que lui fait le Czar de Russie pour le punir, Père Ubu tente de remporter une bataille en s’installant dans un moulin à vent mais il tergiverse pour aller manger et écouter les louanges que lui chantent les soldats… : 9’53.

6…Jusqu’au moment où un boulet russe lui frôle la tête en arrachant une aile du moulin : 1’19.

7. Au cours d’un second intermède, on entend une chanson qui paraît venir du couvent alors que les propos semblent plutôt dignes d’un poste de corps de garde : 4′.

8. Mère Ubu est d’humeur gaillarde et minaude… : 2’54.

9. …Mais Père Ubu, faisant irruption, énonce les supplices qu’il lui réserve: 3’26.

10. Durant un troisième intermède, il est question du choix d’une paire d’écrase-merdres (matière qu’il serait trop facile d’évoquer au sens propre et qui est plutôt la métaphore de l’infâme bouffissure qui loge dans la tête de l’homme) : 4’14.

11. Fatigué par les avatars du pouvoir, Père Ubu déclare à sa femme son désir d’obéir désormais et de devenir esclave : 3’05.

12. Où Père Ubu se trouve dans une situation d’obéissance mais il fait le contraire de ce que commande le caporal : 5’08.

13. Père Ubu devient larbin et tient le buffet d’un raout mais, personne ne venant, il se croit obligé d’inviter de force l’hôtesse à valser : 5’53.

14. Suite et fin sans paroles, car il n’y a plus rien à ajouter (sauf le mot final qui du reste est le même que celui du début) : 4’16.

J’éprouve de la sympathie pour Ubu, à la fois rodomont et patte-pelue, couard et cupide. Il me plaît car je trouve en lui un personnage humain et mythique, plongé « jusqu’au cou » dans ses excès et ses contradictions, allant ainsi inéluctablement vers sa destinée d’imbécile. Il est certainement une des meilleures figures de l’histoire du théâtre. Sans doute, comme l’ont déjà dit d’autres avant moi, Ubu est un personnage, à la fois moderne et ancien, qui résume assez bien la tradition burlesque allant de la Commedia dell’arte et de ses personnages jusqu’à La Cantatrice chauve en passant par Scapin ou Falstaff, Guignol ou le Punch anglais. Il est éminemment plastique et c’est pourquoi j’ai tout de suite pensé que j’aurais à revenir sur la version de concert que j’en avais faite.

Alfred Jarry n’est pas l’auteur véritable de la pièce d’Ubu roi ; il ne l’est que par procuration, mais il est certainement le seul à avoir voulu prendre le Père Ubu au sérieux, comme un véritable personnage de théâtre, à avoir pris à bras le corps, pour nourrir son imaginaire, cette histoire de potaches rigolards et frondeurs, ses camarades de classe qui, eux, n’y ont jamais cru : Jarry a continué à écrire les aventures d’Ubu au travers de plusieurs autres pièces et de textes variés.

ENTRE TERRE ET CIEL

1979 – 22’20

Entre Terre et Ciel est un espace flou, imaginaire (je suis dans mon lit mais aussi dans ma chambre, ma maison, ma ville, mon pays, le monde, dans …) Succession de lieux non délimités dans le temps, différents en couleur, en densité et en transparence et dont les éléments qui les occupent s’apparentent, de par leur caractère, leur morphologie, leur mouvement, voire l’attention subjective qu’on leur porte, à ceux de la terre, du feu, de l’air et de l’eau. Ces éléments vont et reviennent, s’affrontent et s’épousent sous des éclairages différents, traversant ainsi des zones d’ombre, de confusion, d’effacement ou de lumière.

Le thème d’Icare n’est plus très loin : séjour dans le labyrinthe des morphologies entremêlées du coeur de la terre et dans celui de la transparence infinie de l’air. Traversée des surfaces, des écrans, des zones de turbulence ou de quiétude. Parcours de la tessiture, des régions où se concentrent les grondements souterrains et les entités graves, des registres propres aux objets brillants qui se heurtent et se brisent, des lieux où se mêlent les souffles, les échos et les réminiscences aux granulations suraiguës. Mouvement centripète, de tourbillon, d’aspiration vers le gouffre; mouvement d’éruption, d’éclatement des projectiles occupant l’espace.

Lieux d’attirance, de contacts, de répulsion, d’arrêts, de poursuites, de chute et d’envol.Certaines formes imagées peuvent acquérir, dans l’écriture de la phrase musicale, une destinée particulière pour leur analogie avec des images élémentaires ou des archétypes de mouvement. Dans Entre terre et ciel, la réalité est diluée dans l’élan kinesthésique des figures. Pas, sauts, détonations, chocs et bruits organiques brefs et divers sont travaillés et développés exclusivement dans le sens de leur profil dynamique, lavés de leur signification originelle. Seule subsiste une ossature pulsionnelle et stylisée proche de l’abstraction.

ETUDE-PARAPHRASE SUR LE MOTIF DU PERSONNAGE

987 – 9’38

Cette étude était venue de l’envie de reprendre un certain nombre de couleurs et de formes évoquant la notion du « personnage ». Cela s’est fait au travers des matériaux de base, en provenance de plusieurs pièces de l’époque (Cri, Petite suite, Une Danse macabre, Symphonie au bord d’un paysage, L’Invitation au départ, notamment). La définition de ce concept est développée dans l’article « Musicalité,théâtralité et poétique ».

FRAGMENTS GOURMANDS

pour voix, famille de saxophones et bande magnétique

d’après Brillat-Savarin : 16′

1995 – 16′

(à Nicolas Prost)

Cinq parties peuvent être retenues dans cette pièce pleine d’humour, de fluidité et de vélocité : de la supériorité du goût chez l’homme par rapport à celui de l’animal ; de l’augmentation de la soif selon les circonstances ; de l’influence de la gourmandise sur le bonheur ; du bouilli réservé à ceux qui ne savent pas manger ; de l’apologie de la volaille par ses nombreuses manières de l’apprêter.

Le choix du dispositif alternant les 6/7 saxophones, la voix et la bande magnétique, annoncent un mode de composition à la fois ludique, énumératif et évolutif qui met en évidence la forme morcelée. La multiplicité et la taille des instruments, la rapidité des changements et la virtuosité, annoncent également un caractère s’adaptant à une forme théâtrale mais qui ne cesse jamais d’être pleinement musicale dans ses coïncidences du son et de ses mots joués. Ce jeu continu des couleurs va se terminer dans une coda. C’est en effet seulement vers la fin que se trouve un semblant d’unité : comme une mayonnaise qui aurait enfin prise et monte résolument dans la forme musicale pure.

IMPROMPTU-NUAGE ou Etude sur l’ordinateur du GRM à partir d’une morphologie

1985 – 5’10

Cette étude sur les aspects des moyens numériques du GRM de l’époque, à partir d’une morphologie unique – ici, il s’agit du déroulement d’un papier collant -, a été créée au cours d’un troisième concert collectif intitulé Germinal qui réunissait douze compositeurs ayant chacun réalisé une pièce brève dans les mêmes conditions.

Intermède pour la nuit des oiseaux

1983 – 4’05

Cette courte pièce a été réalisée pour servir d’interlude dans le cadre de « la nuit des oiseaux » organisée par France-Musique le 11-10-98

INVITATION AU DEPART (L’)

1983 – 40’20

(à Dominique)

I – 1. Déchirure de l’ombre : 9’15

II – 2. Rêverie du départ : 7’05

III – 3. Trois aperçus du jardin qui s’éveille : 10’25

3.1 harmonica de brume : 3’54

3.2 ramages : 2’50

3.3 silhouette de kiosque : 3’37

IV – 4. Fantasmagories matinales dans la maison : 13′ 20

4.1 en bas, quelque part : 4’32

4.2 dans la chambre, dans la tête, le dernier rêve : 2’48

4.3 entre les deux : 5’58

L’invitation au Départ comprend quatre séquences et se subdivise en huit sections mais se présente dans sa forme générale, poétique et symbolique, en deux grandes parties. Celles-ci expriment deux états du vivant au travers de l’allégorie du passage de l’ombre vers le jour : l’attente et de la rêverie des matières à l’éveil et le surgissement des mouvements dynamiques et de l’animation des êtres de la réalité. La première est de l’ordre du déploiement, du flux lent comme une inspiration illimitée, comme un mouvement à la limite du figé ou d’un essor suspendu. Il s’agit donc d’un espace qui s’organise sans brusquerie. La seconde, au contraire, représente le travail dessiné d’une succession de saynètes vives et bigarrées

JEUX D’OISEAUX SURPRIS AU DETOUR D’UN RUISSEAU

pour soprano, flûte et piano

1999 – 5′

Je fonds et confonds l’oiseau dans les murmures de l’eau vive et l’oiseau-instrument est en même temps trille de flûte ou rire de gorge d’une cantatrice transposée en personnage-eau… L’argument est humble et contenu déjà dans le titre : un bref prélude d’eau carillonnante puis le jeu facétieux des oiseaux jacassant au milieu des éclaboussures.

Marseillaise avec choeurs et personnages ou Étude au 14 juillet

1988 – 20’10

Le titre même de cette pièce l’oriente vers deux directions d’écoute possibles :

D’abord celle de la paraphrase d’un motif musical très connu qui devient ici l’image de l’hymne en général, objet poético-dramatique et archétypique dans l’élan de son galbe mélodique et l’essence de sa matière, à la fois couleur et épaisseur d’orchestres cuivrés et de choeurs indéfinis (travail sur le tempo, sur l’étirement du tissu sonore et sur la durée de la forme ; sur la fragmentation et l’éclatement de « l’air » apparaissant ou disparaissant du champ de la perception et de celui de la mémoire ; d’une approche enfin sur les leurres, les masques et les transpositions de la figuration de l’objet).

Puis celle qui touche à l’aspect dramaturgique de la présence humaine: les choeurs sont la substance vocale de l’hymne en même temps que les foules diverses accompagnant son déroulement; les personnages sont esquissés par ces surgissements morphologiques imagés ayant un rôle musical déterminé (râles, pas, etc.) et par ces figures d’enfants ne faisant que passer, comme une pause dans le climat et l’architecture de l’ensemble.

MESSE AUX OISEAUX

1986-1987 – 66’42

• Premier temps : Kyrie (18’48)

I – 1. Eleison : 7’34

2. Kyrie eleison 1: 1’37

3. Christe eleison : 3’55

4. Kyrie eleison 2 : 5’42

• Deuxième temps : Gloria-Credo (29’18)

II – 5. Gloria in excelsis Deo : 4’05

6. Et in terra pax : 2’43

7. Laudamus te : 1’22

8. Qui tollis : 1’02

9. Quoniam tu solus sanctus : 1’10

10. Credo in unun Deum : 3’38

11. Et incarnatus est : 3’30

12. Crucifixus : 1’50

13. Et resurrexit : 2’03

14. Credo in spiritum sanctum : 4’55

15. Et exspecto : 3′

• Troisième temps : Sanctus-Agnus Dei (18’36)

III – 16. Sanctus : 0’18

17. Hosanna 1 : 0’46

18. Benedictus : 3’24

19. Hosanna 2 : 2’02

20. Agnus Dei : 4’36

21.Dona nobis pacem : 7’28.

La Messe est la forme musicale la plus ancienne puisqu’elle remonte au Xème siècle, pour ce qu’on en sait musicalement, et c’est peut-être par défi personnel mais aussi comme un exercice de style que j’en ai composé trois, toutes très différenciées. C’est pourquoi j’ai voulu, au moins pour la première fois, conserver intégralement le texte des cinq prières.

C’est une oeuvre de musique concrète conçue avec une participation chorale que je serais plutôt tenté de définir par « masse vocale informelle », tant la notion de soliste ou de groupe est fondue dans l’écriture spécifique de cet art (effets et manipulations amplifiant l’espace et la présence de la voix, masquage du sens par découpage morphologique, grossissement et allongement par le ralentissement, etc.).

Devant l’importance de la durée, comme c’était l’un des partis choisis au départ, j’en ai fait trois parties et divisé l’ensemble du texte en 21 séquences (pour certaines de celles-ci, on pourrait parler de micro-séquences accolées ou indépendantes (ouverture ou prélude inclus, interlude plus ou moins long, final, etc.)). Ce découpage du texte correspond plus ou moins à la tradition et c’est par la forme du bâti de l’œuvre que j’en ai fait vraiment autre chose.

OISEAU ET L’ENFANT(L’)

1982 – 11’40

A l’origine, cette pièce a été conçue pour la radiophonie, dans le cadre d’un concert collectif des membres du GRM qui devaient illustrer une situation sonore de Paris. J’ai choisi celle du réjouissant marché aux oiseaux situé place Louis Lépine et le long du quai de la Mégisserie. Au milieu du brouhaha des badauds, des bruissements des ailes et de la polyphonie des chants d’oiseaux qui étaient enregistrés, j’ai saisi, à un moment donné, les exclamations d’un jeune enfant à qui l’on avait promis l’achat d’un oiseau.

Par la suite, elle a été réduite et remaniée dans sa forme, avec toujours les mêmes sons d’origine, pour en faire une version de concert. Dans celle-ci, une sorte de « scénario » s’est imposé à moi, devenant progressivement un conte : la scène paisible de cette réalité enfantine a glissé doucement dans un territoire inquiet et fantasmagorique où l’oiseau, à la fois guide et agresseur, se métamorphose, enrobe et finit par absorber l’enfant. Ces personnages sont tous les deux entraînés par un tourbillon de plus en plus systématique qui aboutit à l’anéantissement de l’image qu’ils représentaient. L’anecdote et ses déclinaisons musicales permettent ici de cadrer la forme et deviennent l’élément actif, déclencheur, frein et accélérateur.

Le motif du personnage humain est matérialisé par les voix du marchand et de l’enfant, chacune sous la forme d’un fragment de phrase repris comme un leitmotiv. La voix humaine fait image par l’expression de ses intonations dans un contexte anecdotique donné mais aussi par la parole mise en boucle et qui « raconte ». Le motif du personnage-oiseau est lui aussi représenté par le même système de boucles mais la matière en est plus stylisée : celle résultant d’une contraction rythmique d’un élément aigu, à la fois organique, « électronique » et « ornithologique ». Ces deux motifs sont devenus des thèmes musicaux et dramatiques. Ils balisent le déroulement de la pièce.

OISEAU-DANSE-LA-PLUIE (L’)’

pour piano et bande magnétique

1992 – 19

Cette pièce est ambiguë dans sa facture car ce n’est que pour environ la moitié, située au centre de la pièce, qu’elle fait apparaître sa mixité. L’écriture du piano s’inspire d’une approche électroacoustique (collage, boucles, épaississements, phénomènes d’apparition et de disparition, élans et poursuites de petites entités morphologiques autonomes, etc.). Sensuelle et ludique, elle métaphorise les figures pianistiques en eau et joue avec les images de la bande (murmures et tremblements doux, petits clapotis, ricochets, jaillissements, pulsations, pluie fine, voix de femme-enfant, oiseaux, grenouilles et insectes, androgynat de phonèmes, glissades et goutte à goutte…) et les mélange aux couleurs imaginaires du jazz et d’une danse latino-américaine.

OPÉRA D’EAU

1991 – 22’47

(à Violaine)

Des monologues, des duos ou des choeurs de personnages en situation d’opéra… ; une eau apaisante et folle, en susurrements minuscules et doux, en clapotis agiles, en sons aigus et de cristal, rapides et répétés, qui nous rappellent constamment l’image aquatique et ondiforme… Au delà, on entendra aussi cette pièce comme un échange entre deux matières vocales, entre deux mondes : l’un, celui d’une population humaine, charnelle dans ses expressions et dans ses débats étranges, disparaît progressivement; l’autre, celui d’une population d’êtres miniaturisés, femmes enfantines et oiseaux insectiformes, apparaît peu à peu et finit par envahir et recouvrir totalement le premier.

ORAISON FUNEBRE DE RENART

d’après le Roman de Renart, transcrit par A.M. Schmidt

pour soprano et sons instrumentaux échantillonnés

1994 – 14’30

« L’Oraison funèbre de Renart est une douce pièce aux sonorités évocatrices de la musique folk ou des sons médiévaux. Une petite ouverture fait entendre des interventions instrumentales répétitives, toute une palette bien organisée qui donne à l’ensemble une signature propre. Le traitement de la voix agile et même virtuose se soucie de prosodie, de sorte que le texte reste clair. La chanteuse doit être aussi -et peut-être d’abord- une récitante, une narratrice dont les inflexions doivent intéresser, susciter le suspense des auditeurs -et ici on peut imaginer les yeux écarquillés d’un jeune auditoire. Il y a dans ce genre de musique un aspect impondérable fait de mille riens qui revient à la diseuse, entourée par l’accompagnement instrumental d’un maillage fin et précis, commentant le texte avec insistance ou humour. » (Jacques Bonnaure, 1993).

PALPITATIONS DE LA FORET (LES)

1985 – 26’40

I – l. Tressaillements-palpitations (+/- 11′)

2. Personnage-paysage (+/- 5′ 30)

3. Lumière crue-lumière chaude (+/- 10′ 30)

La notion de séquence est incertaine, la césure n’existe pas. Il s’agirait plutôt de régions dans lesquelles le passage d’une séquence à une autre se perçoit lentement par le tuilage des matériaux. Les titres ne signifient plus une histoire avec ses différentes péripéties (« Blancheneige ») mais évoquent quelque chose de stylisé. C’est une autre vision de la forêt, beaucoup plus angoissante parce qu’elle perd ses repères anecdotiques.

C’est par le chaos forestier que commence brutalement cette pièce, par une forme extrême et colossale qui comprend à la fois le très grand et l’infiniment petit. Cette matière en fureur continue et trépidante est d’une pure indétermination ; Nous sommes dans le noir d’un puits sans fin qui étouffe, agresse et projette l’auditeur en lui indiquant un autre univers fantastique à son écoute : là où se confondent les formes humaine, animale, végétale et minérale avec les choses de l’inconnu.

Mais cette forêt devient, à certains moments, moins rude. On perçoit alors, dans la lueur d’un paysage nouveau, les signes feutrés d’images animalières, la présence estompée d’un personnage-foule, l’appel et les gémissements de ces cris anonymes ; puis finalement, dans la dilution définitive et apaisante de la sylve, apparaît une douceur sensuelle et lumineuse, en forme de berceuse, une sorte de chaleur harmonique qui se courbe devant le soleil naissant et se peuplent d’oiseaux flamboyants.

PARAGES

1973/1974 – 46′

(à Kevin Spencer)

I – 1 : Etude de matière, d’espace et de rythme : 13’50

II – 2: Le cycle d’lcare : 11’20

2.1 labyrinthe : 2’30

2.2 vol : 4’02

2.3 chute : 2’06

2.4 abysses : 2’38

III – 3 : Traces et réminiscences : 20’53

Dans quels «Parages» s’ouvre ce diaphragme sur l’infini ? Peut-être dans ces contrées limpides où les «négatifs» voilent en se superposant la perspective où bat le pouls de l’homme. Quand la matière s’éveille, l’homme n’est pas loin qui rêve de dompter ses secrets. Ainsi c’est un secret que de prédire la pulsation des espaces que Jacques Lejeune domine et où l’onde, le point, la ligne ne cessent d’écrire et de décrire face à la dilution cette persistance du danger de l’écriture elle-même.

Jacques Lejeune traverse souvent le tissu musical comme un paysage créant ainsi un déroulement des couleurs, des lieux et des évènements sonores qui lui est propre. Il affectionne le cycle, le cercle, l’éternel recommencement du mythe jamais vaincu. La matière sonore et la matière humaine du vécu se confrontent, s’unissent au-delà des processus musicaux. Je retrouve dans «Parages» une des constantes de l’oeuvre de Lejeune quand il déclenche le tumulte des éléments dont il domine la lame sourde qui est l’être de sa musique.

1. : Un déferlement de masses envahit l’espace, donnant naissance à des parcelles d’éclatement, à des implosions balayées dans un mouvement de flux et de reflux. Puis l’énergie se retire laissant ça et là quelques empreintes du rythme. Enfin cette exploration de la matière s’évase vers une idée de paysage dont la perspective formée de minces lignes de direction crée le relief. Quelques objets ponctuels cherchent leur position proche ou lointaine dans la géométrie déliée de l’espace changeant de plan comme l’électron change de couche. Des grattements électroniques, une granulation d’insectes crieurs mêlés à un tissu humain d’inquiétude figurent une jungle inconsciente et artificielle. La palpitation du rythme laisse place à des ondes pleines dont l’oscillation évolue parallèlement à un rythme mécanique. Des couches s’épaississant créent un rapport surface-profondeur et s’interpénètrent. Des trains s’emballent pour un voyage éclair, rapidement transfiguré en rythmes de tambour qui évoquent la danse humaine avant que les cloches, le cristal, l’eau, la voix féminine nous rappellent que l’auteur a choisi l’aboutissement transparent.

2.1 Par ses halètements mécaniques et humains , ses brisures, ses écarts, ses ruptures, l’angoisse nous saisit et nous porte d’une flèche inconsciente par son accélération lourde, oppressante vers l’issue que cristallisent les sonorités retrouvées du clavecin.

2.2 Un discours très linéaire, enguirlandé de volutes évoluera vers une perspective où sous et sur le langage s’amplifie son épaisseur jusqu’à l’illisibilité et l’éblouissement fatal.

2.3 Porté par l’air Icare n’est pas victime d’une chute brutale, il en connaît d’abord les paliers. Les percussions évoquent les courants descendants et ascendants et l’oreille visualise l’éloignement de la chute qui se dissout dans l’infini.

2.4 Dans cette descente au ralenti aux enfers liquides d’une douceur, d’un pointillisme délicat, d’une contexture multiforme, les visages interrogent. Icare est entraîné encore une fois dans un rapport surface-profondeur.

3. L’auditeur est projeté brutalement dans une matière qui s’amoncelle. Puis par une idée de variation-permanence les formes s’interpénètrent souvent dans des profondeurs différentes. Le lisible l’emporte sur l’illisible et vice versa. A cette donnée générale et fondamentale de l’oeuvre (amplification et dégradation des évènements sonores) s’ajoutent de multiples mécanismes internes qui articulent les différents changements de pression, de vitesse, de plan, de direction ou d’intensité du tracé musical créant ainsi des phénomènes de surcharges, d’empreintes, de traces et de réminiscences d’une matière en perpétuelle mouvance d’intentions.

Mais il faut surtout noter les phénomènes de transparence ambiguë. La rémanence, persistance dans le champ d’écoute, permet d’affirmer la volonté du paysage acoustique en même temps que des plans souples en révolution ne cessent dans leurs vagues oniriques de se recouvrir, de se dévorer les uns les autres comme s’ils interdisaient l’approche de la transparence. Des résurgences de deux ordres interviennent dans le cours de l’oeuvre : citations rappelant les pièces précédentes et impacts réalistes qui sont autant d’allusions au vécu de chacun. Il faudrait aussi parler de récurrence quand les objets semblent, en se réfléchissant sur un miroir contondant, s’amollir, se ralentir jusqu’à ne former que des traces troubles qui se raréfient et s’estompent retournant à l’invisible. (Alain Morin (1988)

PAYSAGINAIRE

pour petite flûte, grande flûte, flûte basse et bande magnétique

1976 – 13’10

(à Flora)

Le titre de cette pièce évoque un paysage-tendresse. Le langage est formé de babils et de chuchotements, d’articulations rapides, d’une sève gorgée d’accents et de pirouettes musicales qui jouent avec les intonations, les attentes, les rires, les lapsus de la voix d’enfant.

La partition invite l’interprète à se glisser entre les deux compères-matériaux de la bande magnétique (voix et flûtes) pour souligner, surenchérir, précéder ou être à l’écho. C’est dans cette atmosphère légère et teintée d’humour que le mouvement, s’animant progressivement, entraîne l’accumulation et l’organisation de questions et de réponses entre les trois protagonistes. La fusion des petites structures, des graffiti et des coloriages sonores (marches, chansons, airs de boîte à musique, expressions enfantines de la voix) s’égrène doucement en partant du plus grave des instruments pour aboutir au plus aigu. Successivement : jeu grave, jeu badin, jeu accéléré et coda.


pour petite flûte, grande flûte, flûte basse et bande magnétique  

1976 13’10

(à Flora)

 

Le titre de cette pièce évoque un paysage-tendresse. Le langage est formé de  babils et de chuchotements, darticulations rapides, dune sève gorgée daccents et de pirouettes musicales qui jouent avec les intonations, les attentes, les rires, les lapsus  de la voix denfant.

La partition invite linterprète à se glisser entre les deux compères-matériaux de la bande magnétique (voix et flûtes) pour souligner, surenchérir, précéder ou être à lécho. Cest dans cette atmosphère légère et teintée dhumour que le mouvement, sanimant progressivement, entraîne laccumulation et lorganisation de questions et de réponses entre les trois protagonistes. La fusion des petites structures, des graffiti et des coloriages sonores (marches, chansons, airs de boîte à musique, expressions enfantines de la voix) ségrène doucement en partant du plus grave des instruments pour aboutir au plus aigu. Successivement :  jeu grave, jeu badin, jeu accéléré  et coda.

PETIT CHAPON ROUGE (LE)

pour soprano et sons échantillonnés

1993 – 11’25

C’est la première d’une série de pièces « décalées », une manière d’agacer les professionnels de la musique et de charmer le public tout venant, de pouvoir photographier la Tour Eiffel sans en demander la permission à l’Etat ou de laisser pisser son chien dans la rue… J’ai besoin, cher lecteur, d’oublier mon sérieux de temps en temps, comme par exemple, de revoir et corriger Perrault en jouant avec ses mots (un peu seulement) et les sons manipulés au premier degré de la théâtralité que me fournit l’écriture électroacoustique. C’est encore une manière de se laisser glisser sur le fil d’un rasoir comme l’équilibriste que fut Icare : un risque pour ma réputation…

PETITE SUITE LAFORGUE (LA)

pour soprano solo

1992 – 5’10

1. Le Mystère des trois cors : 2’25

2. La Chanson du petit hypertrophique : 1’10

3.Complainte de cette bonne Lune : 1’35

« …Sa poésie… caractérise bien le désenchantement d’une fin de siècle hantée par les décadences. Elle semble tendre un miroir à la musique de Lejeune, tendre et pince-sans-rire ». La voix est nue, sans accompagnement et se promène en funambule d’un registre à l’autre, adoptant sans trop y croire un ton faussement tragique ou gouailleur, légendaire ou étrange, qui convient à ces comptines désabusées ». (Jacques Bonnaure, 1993).

PORTRAIT DE JEUNE FILLE AU MIROIR ou Etude aux silences

1998 – 11’55

(in memoriam Pierre Schaeffer)

Cette étude a été réalisée à la fois avec des sons enregistrés aujourd’hui et d’autres beaucoup plus anciens qui ne sont pas loin de dater des débuts de la musique concrète. Cette pièce aurait tout aussi bien pu être réalisée en totalité avec les outils et des gestes fondateurs de cette musique, ceux du début de ma carrière.

POUR ENTRER ET SORTIR D’UN CONTE

1990 – 21’05

L’« entrée » est codifiée : des tambours et des murmures vocaux, un long glissé torturé d’orchestre préludent et entraînent l’auditeur dans une marche. Les éléments de sa structure, mus par des procédés de répétition et de récurrence, sont faits de blocs accolés, de masses épaisses et opaques. La rythmique est, à la fois, celle d’une danse primitive, du flux et reflux de la mer et celle d’un galop effréné dans une forêt luxuriante. Cette première partie se déroule dans une atmosphère dramatique, solennelle et hiératique. La « sortie » se limite à un médium lumineux et fluide qui évoque la translucidité d’une pâte de verre. Elle énumère une variété de figures de rebondissements, de paliers ou d’essors, dans une allure rassurante de notes douces de cloches qui « canalisent » la charge angoissante de la forêt et la transforment en mystère.

PRIERE DES ANGES (LA)

pour orgue et bande magnétique

1990 – 28’25

I – 1. Anges pathétiques : 9’13

2 . Anges entre signe et trace : 8’13

3. Anges entre ombre et lumière : 10’59

La voix est ambiguë, traitée de façon tératologique par les différentes métamorphoses du son inscrit sur le support magnétique. L’espace est envahi par deux entités fonctionnant, tantôt en synergie, tantôt en conflit : celle de l’orgue partant de la tribune et celle de la bande diffusée par un dispositif de haut-parleurs répartis en plusieurs plans mobiles entourant le public. Il est recommandé d’orienter le public vers la tribune.

RONDE DES ANIMAUX (LA)

2004 – 75’05

1.Entrée et sonneries d’appel, à ceux qui portent l’étendard de la musique concrè: 1’45

Les Presque impalpables, à M. F.M. et R. C. : 2’51

La Taupe, à D. K. et Bz. F. : 2’27

Lamentations du peuple escargotier, à X… : 3’10

Sérénade du rossignol, à D. D. : 3’23

La Parade du coq, à A. S. : 4’50

Refrain-miroir 1, à I. X. : 2’15

Le Carillon des anoures, à L. F. : 4’14

Facéties du moustique, à Ph. M. et J.M. D. : 2’25

Le Crocodile, à A.Y. : 2’45

En suivant le corbillard, à D. T., F. D. et Ch. Z. : 5’07

La Pendule à coucou , à M. C. et A. V. G. : 3’09

Refrain-miroir 2, à J. C. : 1’36

Altercation à la ferme, à F. B. et G. R. : 2’51

Voyageurs regardant les vaches, à B. P. et I. M. : 7’14

Ces oiseaux de l’océan…, à Y… : 2’23

Les Poules , à Z… : 4’05

La Folie de l’éléphant, à P. S. et P. H. : 2’58

Berceuse pour Basilide, Alice, Victor Merlin et les autres … :2’36

2.Pot–pourri ou refrain-miroir 3 et sonneries de fin, aux jeunes:11’1

Evidemment je ne peux éviter de comparer cette pièce au Carnaval des animaux de Saint-Saëns. Voici en effet à peu près le même univers et le même schéma proposé à un public universel et bon enfant. Mais ici le forme dépasse celle de le simple succession d’images.

J’ai initialement pris l’idée du titre pour modèle, alternant couplets et refrains, en martelant ainsi un temps linéaire et « d’horloge». Puis, rapidement, le projet évoluant et augmentant en durée, j’ai imaginé alors une forme plus souple en réduisant le nombre des refrains et en en faisant autre chose, des « refrains-miroirs », sortes de traces indéterminées dans la durée : d’une part, avec la redite de quelques fragments d’images provenant des 5 ou 6 séquences antérieures et d’autre part, avec des figures de batterie (moments de contraction ou d’exaltation rythmique constituant l’ossature de ces refrains-miroirs) qui pouvaient, quant à elles, apparaître de manière moins systématique et plus élargie au cours de séquences précédentes ou futures. Le dernier de ces refrains, servant de final, est en réalité un pot-pourri qui procède d’une manière encore différente, reprenant les moments les plus caractéristiques dans toute l’œuvre. Ainsi ces différents types de temps, ne fonctionnant pas à la même vitesse et glissant l’un sur l’autre, aboutissent à une notion élastique de la durée de la pièce. Peut-être l’idée m’a t-elle été suggérée par les souvenirs que me laissaient l’Orgie de brigands dans Harold en Italie avec ses retours en arrière sur les motifs de ses précédents mouvements ?

Cette pièce est comme une danse du monde avec un brin d’humour ou de tendresse pour certains animaux décriés et du sarcasme pour d’autres. C’est aussi, à l’occasion, une caricature de l’homme et un hommage rendu à l’enfance… Cette pièce, la plus longue que j’ai réalisée et sans doute la dernière aussi imagée et facétieuse, me permet d’en dédier les différentes séquences mais une dédicace comme celle-ci n’est pas chose facile ; elle est forcément imparfaite quand elle couvre la rencontre avec ceux qui ont vécu l’aventure musicale la plus forte de ces cinquante dernières années. Elle s’adresse à des gens d’écriture pour lesquels j’éprouve de l’admiration, à ceux que j’ai côtoyés au GRM ou d’autres, qui ont simplement croisé mon chemin et sont devenus des amis. Ceux qui feront le rapprochement entre eux, mes textes et ma musique n’ont pas à s’offenser ; pas plus que ceux qui ne sont pas cités dans cette liste ou ceux qui ne le sont pas individuellement : ce n’est pas malignité de ma part et je leur demanderai plutôt de sourire…

SECONDE LEÇON DE TÉNÈBRES POUR LE MERCREDI SAINT

pour soprano et bande magnétique

1996 – 13′

Hommage à François Couperin, par la reprise intégrale du titre et du texte d’origine, bien que cette pièce soit accompagnée par deux fois, pour renforcer l’effet dramatique, par des doublures en français, en anglais et en allemand. Mais en même temps c’était faire le pari de continuer la tradition avec les éléments sonores de la théâtralité et de la poétique d’aujourd’hui. C’est une pièce envoûtante et très charnelle, bougeant d’un registre à l’autre, évoquant à la fois les caresses tendres de la plainte musicale de Couperin et la violence du texte.

SYMPHONIE AU BORD D’UN PAYSAGE

1981 – 39’45

(à Alexandre Yterce)

I – 1.Large : 11’59

II – 2.Marche : 3’09

III – 3.Précipité : 7’32

IV – 4. Animé : 8’47

5. Perpétuel : 7’48

La tentation du paysage est surtout sensible en peinture. Qu’est-ce que peindre un paysage ? Simplement se soumettre à I ‘ordre d’un décor ? Ou plutôt se mesurer à lui? Quand Cézanne peint la Montagne Sainte-Victoire, dresse-t-il une image de plus de la montagne, ou pose-t-il, à partir du désir de peindre, les bases d’un nouveau rapport de l’homme à l’espace ? Ne fait-il pas rebondir sa pulsion vers une nouvelle appréhension du monde ? Bref: le sujet est-il une fin à laquelle il suffit d’inféoder le vécu, ou le prétexte à mesurer ce qui sépare une vision nouvelle des visions antérieures du même pôle d’attraction sensible, la distance entre l’ancienne et la nouvelle vision mesurant la liberté acquise ?

Lejeune a la même tentation. Mesurer sa distance au support. Y réfléchir un ordre moins étriqué qui satisfasse la motivation. Ainsi lance-t-il à l’assaut des données la force de ses désirs. Ainsi frappe t-il celles-ci, le retour de l’onde de choc déterminant sa distance à elles, à la manière d’un sonar détectant un banc de poissons. Ainsi lance-t-il un réseau d’amarres capables de matérialiser sa propre place. Ces données, les sons, renvoient le reflet sonore différemment.

On peut cependant les classer. Il y a les machines, les cloches, les fanfares, les animaux, les éléments, les hommes, les véhicules. Tout cela signifie le travail, le spirituel (et le temps qui passe car les cloches ne révèlent pas que la distance historique à un monde ancien qu’elles rythmaient naguère, mais encore l’âge du musicien), le goût et les émotions populaires, la nature sauvage ou domestique, le temps et l’atmosphère, la profondeur de champ, le groupe humain, la traversée des influences, la communication.

Chaque fois, la déformation joue le même jeu obsessionnel, comme pour garder la sensation à vif. Les sons incorporés à la musique dans la vision d’ensemble, apparaissent peu à peu, identifiables: une focalisation. Dans le flux et le reflux de la pulsion, la mise en ordre opérée par Lejeune conduit à la polyphonie (je et les autres), à la densité (le monde et la vie); elle découvre, assume, métamorphose les forces codées, à travers un kaléidoscope de définitions: la campagne, I’été des cigales, le bois des oiseaux, la ferme, I’église et le village de 14 juillet, la route et la voie ferrée des vacances. Tout se décrypte et se décloisonne à pied. Les portes claquent parfois quand le déplacement d’ensemble investit un nouveau secteur d’intérêt, provoque une rupture avec le précédent. Tout cela est violent. Il y a le cœur qui bat, I’ordre apparent, et l’homme qui se joue des obstacles. D’une vision indifférenciée, Lejeune extrait le cliché auquel il veut donner un nouveau rôle dans le concert global.

Ainsi nommé (c’est-à-dire: la distance à lui balisée par la déformation, au-delà du cliché convenu), le détail entre dans la partition en tant qu’élément actif. Le voyage continue et le désir s’assouvit non dans le descriptif d’une circumnavigation, mais dans la métaphore. Etirer le son, faire tourner l’image en spirale autour de l’œil, ce n’est pas plus l’accepter que s’y dire. C’est faire le tour du monde et de sa chambre, c’est étalonner le vide avec sa chair.

Les cinq moments de la Symphonie de Jacques Lejeune (large, marche, précipité, animé et perpétuel) proposent cinq clés aux distorsions, cinq contraintes disruptives qui tentent à la manière d’un animal de déterminer un territoire. Elles ne renvoient pas hors-champ à une espèce d’image d’ensemble idéalisée que combineraient les miroirs déformants, mais au bilan métaphysique et à l’absence. Le titre de l’œuvre est essentiel: on reste « au bord d’un pays sage ». Comme au bord d’un gouffre (Yak Rivais – 1988).

SYMPHONIE ROMANTIQUE ou Etude d’après Berlioz

1982 – 33′ 22

I – 1. Impressions chromatiques d’un soir d’été : 14’13

– 2 . Romance à claire-voie : 8’33

– 3. Grand galop à Pandemonium : 10’36

Cette pièce rend un hommage à Berlioz auquel sont empruntés quelques motifs venant principalement de la Symphonie Fantastique, des Nuits d’été et de Roméo et Juliette : une tenue de cordes, une articulation de cuivres ou un éclat vocal, instants privilégiés qui, détachés de leur contexte, ont fini par devenir indépendants, comme un détail frappant dans un paysage. Transposées et remaniées dans leur texture et leur dynamique, ces sources ont donné naissance à de nouveaux êtres sonores : trames d’irisations, mixages infinis, saccades énergétiques, arpèges de ruptures, évolutions de débits, grappes phonétiques, agrégats de vitesses changeantes, etc.

Symphonie Romantique est une pièce compacte et très architecturée, qui oppose et allie continuellement masse et énergie, épaisseur et « poids ». Il n’y a pas de silence séparateur entre les trois séquences : leur enchaînement s’effectue par un processus de récurrence dynamique, par afflux et reflux paroxystiques (entre le premier et le second), par quasi disparition et réapparition (entre le second et le troisième). Cet archétype du flux, de la respiration ou de la marée est le modèle qui unifie et génère pratiquement l’ensemble de la pièce.

TERATOLOGOS ou Etude de musique concrète

1970 – 6’45

Prix accordé par le Jury de sélection à la fin du cursus de mes études au Conservatoire National Supérirur de Paris et au Groupe de Recherche Musicale, Teratologos fut l’objet d’une commande. Le titre est emblématique d’une démarche future, où pointe la réflexion sur un « imagisme » multiple latent, dont le propos avoué était de « mêler l’anecdotique, le concret, le synthétique et l’instrumental ».

THÉÂTRES DE L’EAU

2003/2004 – 31’16

1. Le Rêve de l’eau tranquille : 4’48

2. L’Ois-eau 1 ou la fontaine secrète : 8’16 5 (à Flora et Shadwan)

3. L’Eau qui s’éveille et s’agite : 4’22

4. L’Ois-eau 2 ou la fontaine d’Hippocrène : 7’55 (à violaine et Sébastien)

5. L’eau en folie : 5’35

L’eau m’a toujours inspiré et j’en ai souvent sollicité le contact au travers des matières que j’utilisais en les liquéfiant. Pourquoi cette fascination à ce point ? L’eau est à l’origine du monde, certes, mais surtout dans le rêve de la musique concrète et de son devenir musical.

Elle est continuellement changeante et donc de nature profondément métamorphique, métaphonique et métaphorique : elle est dans le bruissement de la foule et du feuillage, dans l’aspect aqueux des roulades d’oiseaux et des stridulations d’insectes ou dans le rendu perlé de la voix humaine. Nous voici dans l’humus de la riche musique concrète avec ses sonorités multiples et ses reflets anecdotiques dans lesquels prospère son potentiel d ‘allusions et d’ambiguïtés : tout y est palpitation, ondulation, frémissement et je fais partie de ceux qui ont insisté sur cet aspect du sonore, par le mélange de ces sons en y incrustant des accélérations de sons glissés et en y ajoutant l’aspect froissé ou tremblé dû à l’agitation des potentiomètres… Je crois que cet effet, l’un des gestes fondamentaux de la musique concrète, est de l’ordre des matières aquatiques et qu’aucune image statique ou figure rigide ne peut résister à cet effet magicien qui fait frémir les formes. Dans ses aventures et ses transformations, l’eau est devenue pour moi plus que le prétexte d’une imagerie ou d’une matière se prêtant à la variation mais plutôt un véritable style artistique, une technique de la fragmentation de la signification des images et du morcellement des traits, du vibratile et du pointillé, qui à leur tour, mêlés ensemble, deviennent ce que j’appelle le « miroitement des images »…

Mais l’eau sait aussi parfois dire les profondeurs des abysses, l’obscurité et la folie… C’est toujours de l’eau dont il s’agit mais qui déborde comme le raz-de-marée, qui déjette les débris mélangés de l’hirsute. C’est la polyphonie de l’extrême qui traverse la tessiture en glissant de bas en haut et vice-versa dans toutes les vitesses imaginables. L’aspect solide de la construction de cet embrouillamini unifie dans une prison d’espace et d’intensité la matière la plus souriante, la plus souple et le plus diffuse telle qu’elle était à l’origine.

TROIS ETUDES POUR L’ESPACE DE DIFFUSION

1988 – 23’12

1. Pour une salle de concert ou un espace fermé mat : 8’20

2. Pour une église ou un espace fermé réverbérant : 7’18

3. Pour le plein air ou un espace dégagé : 7’34.

Ces trois études n’ont jamais été créées. Conçues à l’origine comme un exercice de pédagogie personnelle, elles ne sont pas véritablement destinées au concert. L’idée en est née à Bourg-en-Bresse, à la suite d’une visite de l’Eglise de Brou, dans laquelle était envisagée la création de la Messe aux Oiseaux : il était question de faire se déplacer le public selon un parcours pour aller des cloîtres dans une salle du Musée et, pour finir, dans la nef, selon l’architecture des trois arches du Kyrie, du Gloria-Credo et du Sanctus-Agnus Dei. Cette idée a été finalement abandonnée devant l’importance des moyens qu’elle nécessitait.

La première étude oppose des mélanges de lignes exubérantes et agitées à des dynamismes lourds et lents ; propose des ruptures de matière, une grande variété des images, des changements et une diversification des couleurs ; joue sur des dualités du type fin-épais, lisse-rugueux, clair-obscur, etc. La seconde reprend en ralenti un élément électronique de la première étude auquel s’ajoute un réseau stable de lignes scintillantes. L’ensemble est traversé deux fois par une masse sombre dans une fonction d’alourdissement. Pièce assagie dans un registre medium ; mouvements repérables de glissés ; homogénéité du débit et du timbre . La dernière reprend les réseaux pointillistes de l’étude précédente qui deviennent ici comme une ligne d’horizon nerveuse et cristalline sur laquelle vient se heurter une matière concrète épaisse, sorte d’objet-personnage évoluant dans un jeu kinesthésique et virtuose par irruption, grossissement, éloignement, accompagnement, opposition, masque, etc.


1988 – 2312

 

        1. Pour une salle de concert ou un espace fermé  mat : 820

        2. Pour une église ou  un espace fermé réverbérant : 718 

         3. Pour le plein air ou un espace  dégagé : 734.

 

Ces trois études nont jamais été créées. Conçues à lorigine comme un exercice de pédagogie personnelle, elles ne sont pas véritablement destinées au concert. Lidée en est née à Bourg-en-Bresse, à la suite dune visite de lEglise de Brou, dans laquelle était envisagée  la création de  la Messe aux Oiseaux : il était question de faire se déplacer le public  selon un parcours pour aller des cloîtres  dans une salle du Musée et, pour finir, dans la nef, selon larchitecture  des trois arches du Kyrie, du Gloria-Credo et du Sanctus-Agnus Dei. Cette idée a été finalement abandonnée devant limportance des moyens quelle nécessitait.

La première étude oppose des mélanges de lignes exubérantes et agitées à des dynamismes lourds et lents ; propose des ruptures de matière, une grande variété des images, des changements et une diversification des couleurs ; joue sur des dualités du type fin-épais, lisse-rugueux, clair-obscur, etc. La seconde  reprend en ralenti un élément électronique de la première étude auquel s’ajoute un réseau stable  de lignes  scintillantes.  Lensemble  est  traversé  deux fois par une masse sombre dans une fonction dalourdissement. Pièce assagie dans un registre medium ; mouvements repérables de glissés ; homogénéité du débit et du timbre . La dernière reprend les réseaux pointillistes de létude précédente qui deviennent ici comme une ligne d’horizon nerveuse et cristalline sur laquelle vient se heurter une matière concrète épaisse, sorte dobjet-personnage  évoluant dans un jeu kinesthésique et virtuose par irruption, grossissement, éloignement, accompagnement, opposition, masque, etc.

X… ou Etude de masse à partir d’une voix

2004 – 5′

On entendra dans cette pièce la « voix » dénaturée dans son discours, son registre et son temps. C’est une voix vidée de son sens littéraire mais reconstruite en générant ses propres matériaux et sa propre logique. Vers la fin seulement, le conflit bouillonnant de la matière vocale s’atténue : quelques phonèmes effleurent l’aspect tangible de la voix humaine, celle de l’actrice qui a récité le texte, sans toutefois jamais pénétrer dans la sphère du sens. C’est la voix secrète, multipliée et homogène comme celle d’un chœur de la tragédie grecque.