A propos des notices de concerts…

N.B. 1. Les chiffres romains, parfois accolés à la numérotation des séquences, indiquent les endroits où l’œuvre est divisible et où l’on peut ménager des pauses plus ou moins longues dans le temps de l’écoute, contrastant ainsi avec les autres parties de l’oeuvre qui sont reliées entre elles par la dynamique ou la poétique de la forme.

2. Les oeuvres ne précisant aucune nomenclature, sous-entendent qu’elles sont conçues pour bande magnétique.

3. Elles sont données par ordre aphabétique pour être appelée plus facilement.

X… ou Etude de masse à partir d’une voix

2004 – 5′

On entendra dans cette pièce la « voix » dénaturée dans son discours, son registre et son temps. C’est une voix vidée de son sens littéraire mais reconstruite en générant ses propres matériaux et sa propre logique. Vers la fin seulement, le conflit bouillonnant de la matière vocale s’atténue : quelques phonèmes effleurent l’aspect tangible de la voix humaine, celle de l’actrice qui a récité le texte, sans toutefois jamais pénétrer dans la sphère du sens. C’est la voix secrète, multipliée et homogène comme celle d’un chœur de la tragédie grecque.

TROIS ETUDES POUR L’ESPACE DE DIFFUSION

1988 – 23’12

1. Pour une salle de concert ou un espace fermé mat : 8’20

2. Pour une église ou un espace fermé réverbérant : 7’18

3. Pour le plein air ou un espace dégagé : 7’34.

Ces trois études n’ont jamais été créées. Conçues à l’origine comme un exercice de pédagogie personnelle, elles ne sont pas véritablement destinées au concert. L’idée en est née à Bourg-en-Bresse, à la suite d’une visite de l’Eglise de Brou, dans laquelle était envisagée la création de la Messe aux Oiseaux : il était question de faire se déplacer le public selon un parcours pour aller des cloîtres dans une salle du Musée et, pour finir, dans la nef, selon l’architecture des trois arches du Kyrie, du Gloria-Credo et du Sanctus-Agnus Dei. Cette idée a été finalement abandonnée devant l’importance des moyens qu’elle nécessitait.

La première étude oppose des mélanges de lignes exubérantes et agitées à des dynamismes lourds et lents ; propose des ruptures de matière, une grande variété des images, des changements et une diversification des couleurs ; joue sur des dualités du type fin-épais, lisse-rugueux, clair-obscur, etc. La seconde reprend en ralenti un élément électronique de la première étude auquel s’ajoute un réseau stable de lignes scintillantes. L’ensemble est traversé deux fois par une masse sombre dans une fonction d’alourdissement. Pièce assagie dans un registre medium ; mouvements repérables de glissés ; homogénéité du débit et du timbre . La dernière reprend les réseaux pointillistes de l’étude précédente qui deviennent ici comme une ligne d’horizon nerveuse et cristalline sur laquelle vient se heurter une matière concrète épaisse, sorte d’objet-personnage évoluant dans un jeu kinesthésique et virtuose par irruption, grossissement, éloignement, accompagnement, opposition, masque, etc.


1988 – 2312

 

        1. Pour une salle de concert ou un espace fermé  mat : 820

        2. Pour une église ou  un espace fermé réverbérant : 718 

         3. Pour le plein air ou un espace  dégagé : 734.

 

Ces trois études nont jamais été créées. Conçues à lorigine comme un exercice de pédagogie personnelle, elles ne sont pas véritablement destinées au concert. Lidée en est née à Bourg-en-Bresse, à la suite dune visite de lEglise de Brou, dans laquelle était envisagée  la création de  la Messe aux Oiseaux : il était question de faire se déplacer le public  selon un parcours pour aller des cloîtres  dans une salle du Musée et, pour finir, dans la nef, selon larchitecture  des trois arches du Kyrie, du Gloria-Credo et du Sanctus-Agnus Dei. Cette idée a été finalement abandonnée devant limportance des moyens quelle nécessitait.

La première étude oppose des mélanges de lignes exubérantes et agitées à des dynamismes lourds et lents ; propose des ruptures de matière, une grande variété des images, des changements et une diversification des couleurs ; joue sur des dualités du type fin-épais, lisse-rugueux, clair-obscur, etc. La seconde  reprend en ralenti un élément électronique de la première étude auquel s’ajoute un réseau stable  de lignes  scintillantes.  Lensemble  est  traversé  deux fois par une masse sombre dans une fonction dalourdissement. Pièce assagie dans un registre medium ; mouvements repérables de glissés ; homogénéité du débit et du timbre . La dernière reprend les réseaux pointillistes de létude précédente qui deviennent ici comme une ligne d’horizon nerveuse et cristalline sur laquelle vient se heurter une matière concrète épaisse, sorte dobjet-personnage  évoluant dans un jeu kinesthésique et virtuose par irruption, grossissement, éloignement, accompagnement, opposition, masque, etc.

TERATOLOGOS ou Etude de musique concrète

1970 – 6’45

Prix accordé par le Jury de sélection à la fin du cursus de mes études au Conservatoire National Supérirur de Paris et au Groupe de Recherche Musicale, Teratologos fut l’objet d’une commande. Le titre est emblématique d’une démarche future, où pointe la réflexion sur un « imagisme » multiple latent, dont le propos avoué était de « mêler l’anecdotique, le concret, le synthétique et l’instrumental ».

DEUX MOUVEMENTS PERPETUELS POUR UNE FONTAINE IMAGINAIRE

2003/2004

Ces deux morceaux, extraits de la pièce précédente et donnés hors de la situation du concert, sont joués ici en boucle, sans début ni fin à proprement parler. Il ne s’agit plus alors de les écouter mais de les entendre, par bribes ou par moments. Ils pourront être donnés l’un à la suite de l’autre ou séparément et servir d’accompagnement sonore suggérant simplement le son de l’eau (en se promenant dans un jardin, par exemple, comme une sorte d’utopie… )

THÉÂTRES DE L’EAU

2003/2004 – 31’16

1. Le Rêve de l’eau tranquille : 4’48

2. L’Ois-eau 1 ou la fontaine secrète : 8’16 5 (à Flora et Shadwan)

3. L’Eau qui s’éveille et s’agite : 4’22

4. L’Ois-eau 2 ou la fontaine d’Hippocrène : 7’55 (à violaine et Sébastien)

5. L’eau en folie : 5’35

L’eau m’a toujours inspiré et j’en ai souvent sollicité le contact au travers des matières que j’utilisais en les liquéfiant. Pourquoi cette fascination à ce point ? L’eau est à l’origine du monde, certes, mais surtout dans le rêve de la musique concrète et de son devenir musical.

Elle est continuellement changeante et donc de nature profondément métamorphique, métaphonique et métaphorique : elle est dans le bruissement de la foule et du feuillage, dans l’aspect aqueux des roulades d’oiseaux et des stridulations d’insectes ou dans le rendu perlé de la voix humaine. Nous voici dans l’humus de la riche musique concrète avec ses sonorités multiples et ses reflets anecdotiques dans lesquels prospère son potentiel d ‘allusions et d’ambiguïtés : tout y est palpitation, ondulation, frémissement et je fais partie de ceux qui ont insisté sur cet aspect du sonore, par le mélange de ces sons en y incrustant des accélérations de sons glissés et en y ajoutant l’aspect froissé ou tremblé dû à l’agitation des potentiomètres… Je crois que cet effet, l’un des gestes fondamentaux de la musique concrète, est de l’ordre des matières aquatiques et qu’aucune image statique ou figure rigide ne peut résister à cet effet magicien qui fait frémir les formes. Dans ses aventures et ses transformations, l’eau est devenue pour moi plus que le prétexte d’une imagerie ou d’une matière se prêtant à la variation mais plutôt un véritable style artistique, une technique de la fragmentation de la signification des images et du morcellement des traits, du vibratile et du pointillé, qui à leur tour, mêlés ensemble, deviennent ce que j’appelle le « miroitement des images »…

Mais l’eau sait aussi parfois dire les profondeurs des abysses, l’obscurité et la folie… C’est toujours de l’eau dont il s’agit mais qui déborde comme le raz-de-marée, qui déjette les débris mélangés de l’hirsute. C’est la polyphonie de l’extrême qui traverse la tessiture en glissant de bas en haut et vice-versa dans toutes les vitesses imaginables. L’aspect solide de la construction de cet embrouillamini unifie dans une prison d’espace et d’intensité la matière la plus souriante, la plus souple et le plus diffuse telle qu’elle était à l’origine.

SYMPHONIE ROMANTIQUE ou Etude d’après Berlioz

1982 – 33′ 22

I – 1. Impressions chromatiques d’un soir d’été : 14’13

– 2 . Romance à claire-voie : 8’33

– 3. Grand galop à Pandemonium : 10’36

Cette pièce rend un hommage à Berlioz auquel sont empruntés quelques motifs venant principalement de la Symphonie Fantastique, des Nuits d’été et de Roméo et Juliette : une tenue de cordes, une articulation de cuivres ou un éclat vocal, instants privilégiés qui, détachés de leur contexte, ont fini par devenir indépendants, comme un détail frappant dans un paysage. Transposées et remaniées dans leur texture et leur dynamique, ces sources ont donné naissance à de nouveaux êtres sonores : trames d’irisations, mixages infinis, saccades énergétiques, arpèges de ruptures, évolutions de débits, grappes phonétiques, agrégats de vitesses changeantes, etc.

Symphonie Romantique est une pièce compacte et très architecturée, qui oppose et allie continuellement masse et énergie, épaisseur et « poids ». Il n’y a pas de silence séparateur entre les trois séquences : leur enchaînement s’effectue par un processus de récurrence dynamique, par afflux et reflux paroxystiques (entre le premier et le second), par quasi disparition et réapparition (entre le second et le troisième). Cet archétype du flux, de la respiration ou de la marée est le modèle qui unifie et génère pratiquement l’ensemble de la pièce.

SYMPHONIE AU BORD D’UN PAYSAGE

1981 – 39’45

(à Alexandre Yterce)

I – 1.Large : 11’59

II – 2.Marche : 3’09

III – 3.Précipité : 7’32

IV – 4. Animé : 8’47

5. Perpétuel : 7’48

La tentation du paysage est surtout sensible en peinture. Qu’est-ce que peindre un paysage ? Simplement se soumettre à I ‘ordre d’un décor ? Ou plutôt se mesurer à lui? Quand Cézanne peint la Montagne Sainte-Victoire, dresse-t-il une image de plus de la montagne, ou pose-t-il, à partir du désir de peindre, les bases d’un nouveau rapport de l’homme à l’espace ? Ne fait-il pas rebondir sa pulsion vers une nouvelle appréhension du monde ? Bref: le sujet est-il une fin à laquelle il suffit d’inféoder le vécu, ou le prétexte à mesurer ce qui sépare une vision nouvelle des visions antérieures du même pôle d’attraction sensible, la distance entre l’ancienne et la nouvelle vision mesurant la liberté acquise ?

Lejeune a la même tentation. Mesurer sa distance au support. Y réfléchir un ordre moins étriqué qui satisfasse la motivation. Ainsi lance-t-il à l’assaut des données la force de ses désirs. Ainsi frappe t-il celles-ci, le retour de l’onde de choc déterminant sa distance à elles, à la manière d’un sonar détectant un banc de poissons. Ainsi lance-t-il un réseau d’amarres capables de matérialiser sa propre place. Ces données, les sons, renvoient le reflet sonore différemment.

On peut cependant les classer. Il y a les machines, les cloches, les fanfares, les animaux, les éléments, les hommes, les véhicules. Tout cela signifie le travail, le spirituel (et le temps qui passe car les cloches ne révèlent pas que la distance historique à un monde ancien qu’elles rythmaient naguère, mais encore l’âge du musicien), le goût et les émotions populaires, la nature sauvage ou domestique, le temps et l’atmosphère, la profondeur de champ, le groupe humain, la traversée des influences, la communication.

Chaque fois, la déformation joue le même jeu obsessionnel, comme pour garder la sensation à vif. Les sons incorporés à la musique dans la vision d’ensemble, apparaissent peu à peu, identifiables: une focalisation. Dans le flux et le reflux de la pulsion, la mise en ordre opérée par Lejeune conduit à la polyphonie (je et les autres), à la densité (le monde et la vie); elle découvre, assume, métamorphose les forces codées, à travers un kaléidoscope de définitions: la campagne, I’été des cigales, le bois des oiseaux, la ferme, I’église et le village de 14 juillet, la route et la voie ferrée des vacances. Tout se décrypte et se décloisonne à pied. Les portes claquent parfois quand le déplacement d’ensemble investit un nouveau secteur d’intérêt, provoque une rupture avec le précédent. Tout cela est violent. Il y a le cœur qui bat, I’ordre apparent, et l’homme qui se joue des obstacles. D’une vision indifférenciée, Lejeune extrait le cliché auquel il veut donner un nouveau rôle dans le concert global.

Ainsi nommé (c’est-à-dire: la distance à lui balisée par la déformation, au-delà du cliché convenu), le détail entre dans la partition en tant qu’élément actif. Le voyage continue et le désir s’assouvit non dans le descriptif d’une circumnavigation, mais dans la métaphore. Etirer le son, faire tourner l’image en spirale autour de l’œil, ce n’est pas plus l’accepter que s’y dire. C’est faire le tour du monde et de sa chambre, c’est étalonner le vide avec sa chair.

Les cinq moments de la Symphonie de Jacques Lejeune (large, marche, précipité, animé et perpétuel) proposent cinq clés aux distorsions, cinq contraintes disruptives qui tentent à la manière d’un animal de déterminer un territoire. Elles ne renvoient pas hors-champ à une espèce d’image d’ensemble idéalisée que combineraient les miroirs déformants, mais au bilan métaphysique et à l’absence. Le titre de l’œuvre est essentiel: on reste « au bord d’un pays sage ». Comme au bord d’un gouffre (Yak Rivais – 1988).

SECONDE LEÇON DE TÉNÈBRES POUR LE MERCREDI SAINT

pour soprano et bande magnétique

1996 – 13′

Hommage à François Couperin, par la reprise intégrale du titre et du texte d’origine, bien que cette pièce soit accompagnée par deux fois, pour renforcer l’effet dramatique, par des doublures en français, en anglais et en allemand. Mais en même temps c’était faire le pari de continuer la tradition avec les éléments sonores de la théâtralité et de la poétique d’aujourd’hui. C’est une pièce envoûtante et très charnelle, bougeant d’un registre à l’autre, évoquant à la fois les caresses tendres de la plainte musicale de Couperin et la violence du texte.

RONDE DES ANIMAUX (LA)

2004 – 75’05

1.Entrée et sonneries d’appel, à ceux qui portent l’étendard de la musique concrè: 1’45

Les Presque impalpables, à M. F.M. et R. C. : 2’51

La Taupe, à D. K. et Bz. F. : 2’27

Lamentations du peuple escargotier, à X… : 3’10

Sérénade du rossignol, à D. D. : 3’23

La Parade du coq, à A. S. : 4’50

Refrain-miroir 1, à I. X. : 2’15

Le Carillon des anoures, à L. F. : 4’14

Facéties du moustique, à Ph. M. et J.M. D. : 2’25

Le Crocodile, à A.Y. : 2’45

En suivant le corbillard, à D. T., F. D. et Ch. Z. : 5’07

La Pendule à coucou , à M. C. et A. V. G. : 3’09

Refrain-miroir 2, à J. C. : 1’36

Altercation à la ferme, à F. B. et G. R. : 2’51

Voyageurs regardant les vaches, à B. P. et I. M. : 7’14

Ces oiseaux de l’océan…, à Y… : 2’23

Les Poules , à Z… : 4’05

La Folie de l’éléphant, à P. S. et P. H. : 2’58

Berceuse pour Basilide, Alice, Victor Merlin et les autres … :2’36

2.Pot–pourri ou refrain-miroir 3 et sonneries de fin, aux jeunes:11’1

Evidemment je ne peux éviter de comparer cette pièce au Carnaval des animaux de Saint-Saëns. Voici en effet à peu près le même univers et le même schéma proposé à un public universel et bon enfant. Mais ici le forme dépasse celle de le simple succession d’images.

J’ai initialement pris l’idée du titre pour modèle, alternant couplets et refrains, en martelant ainsi un temps linéaire et « d’horloge». Puis, rapidement, le projet évoluant et augmentant en durée, j’ai imaginé alors une forme plus souple en réduisant le nombre des refrains et en en faisant autre chose, des « refrains-miroirs », sortes de traces indéterminées dans la durée : d’une part, avec la redite de quelques fragments d’images provenant des 5 ou 6 séquences antérieures et d’autre part, avec des figures de batterie (moments de contraction ou d’exaltation rythmique constituant l’ossature de ces refrains-miroirs) qui pouvaient, quant à elles, apparaître de manière moins systématique et plus élargie au cours de séquences précédentes ou futures. Le dernier de ces refrains, servant de final, est en réalité un pot-pourri qui procède d’une manière encore différente, reprenant les moments les plus caractéristiques dans toute l’œuvre. Ainsi ces différents types de temps, ne fonctionnant pas à la même vitesse et glissant l’un sur l’autre, aboutissent à une notion élastique de la durée de la pièce. Peut-être l’idée m’a t-elle été suggérée par les souvenirs que me laissaient l’Orgie de brigands dans Harold en Italie avec ses retours en arrière sur les motifs de ses précédents mouvements ?

Cette pièce est comme une danse du monde avec un brin d’humour ou de tendresse pour certains animaux décriés et du sarcasme pour d’autres. C’est aussi, à l’occasion, une caricature de l’homme et un hommage rendu à l’enfance… Cette pièce, la plus longue que j’ai réalisée et sans doute la dernière aussi imagée et facétieuse, me permet d’en dédier les différentes séquences mais une dédicace comme celle-ci n’est pas chose facile ; elle est forcément imparfaite quand elle couvre la rencontre avec ceux qui ont vécu l’aventure musicale la plus forte de ces cinquante dernières années. Elle s’adresse à des gens d’écriture pour lesquels j’éprouve de l’admiration, à ceux que j’ai côtoyés au GRM ou d’autres, qui ont simplement croisé mon chemin et sont devenus des amis. Ceux qui feront le rapprochement entre eux, mes textes et ma musique n’ont pas à s’offenser ; pas plus que ceux qui ne sont pas cités dans cette liste ou ceux qui ne le sont pas individuellement : ce n’est pas malignité de ma part et je leur demanderai plutôt de sourire…

PRIERE DES ANGES (LA)

pour orgue et bande magnétique

1990 – 28’25

I – 1. Anges pathétiques : 9’13

2 . Anges entre signe et trace : 8’13

3. Anges entre ombre et lumière : 10’59

La voix est ambiguë, traitée de façon tératologique par les différentes métamorphoses du son inscrit sur le support magnétique. L’espace est envahi par deux entités fonctionnant, tantôt en synergie, tantôt en conflit : celle de l’orgue partant de la tribune et celle de la bande diffusée par un dispositif de haut-parleurs répartis en plusieurs plans mobiles entourant le public. Il est recommandé d’orienter le public vers la tribune.

POUR ENTRER ET SORTIR D’UN CONTE

1990 – 21’05

L’« entrée » est codifiée : des tambours et des murmures vocaux, un long glissé torturé d’orchestre préludent et entraînent l’auditeur dans une marche. Les éléments de sa structure, mus par des procédés de répétition et de récurrence, sont faits de blocs accolés, de masses épaisses et opaques. La rythmique est, à la fois, celle d’une danse primitive, du flux et reflux de la mer et celle d’un galop effréné dans une forêt luxuriante. Cette première partie se déroule dans une atmosphère dramatique, solennelle et hiératique. La « sortie » se limite à un médium lumineux et fluide qui évoque la translucidité d’une pâte de verre. Elle énumère une variété de figures de rebondissements, de paliers ou d’essors, dans une allure rassurante de notes douces de cloches qui « canalisent » la charge angoissante de la forêt et la transforment en mystère.

PORTRAIT DE JEUNE FILLE AU MIROIR ou Etude aux silences

1998 – 11’55

(in memoriam Pierre Schaeffer)

Cette étude a été réalisée à la fois avec des sons enregistrés aujourd’hui et d’autres beaucoup plus anciens qui ne sont pas loin de dater des débuts de la musique concrète. Cette pièce aurait tout aussi bien pu être réalisée en totalité avec les outils et des gestes fondateurs de cette musique, ceux du début de ma carrière.

PETITE SUITE LAFORGUE (LA)

pour soprano solo

1992 – 5’10

1. Le Mystère des trois cors : 2’25

2. La Chanson du petit hypertrophique : 1’10

3.Complainte de cette bonne Lune : 1’35

« …Sa poésie… caractérise bien le désenchantement d’une fin de siècle hantée par les décadences. Elle semble tendre un miroir à la musique de Lejeune, tendre et pince-sans-rire ». La voix est nue, sans accompagnement et se promène en funambule d’un registre à l’autre, adoptant sans trop y croire un ton faussement tragique ou gouailleur, légendaire ou étrange, qui convient à ces comptines désabusées ». (Jacques Bonnaure, 1993).

PETIT CHAPON ROUGE (LE)

pour soprano et sons échantillonnés

1993 – 11’25

C’est la première d’une série de pièces « décalées », une manière d’agacer les professionnels de la musique et de charmer le public tout venant, de pouvoir photographier la Tour Eiffel sans en demander la permission à l’Etat ou de laisser pisser son chien dans la rue… J’ai besoin, cher lecteur, d’oublier mon sérieux de temps en temps, comme par exemple, de revoir et corriger Perrault en jouant avec ses mots (un peu seulement) et les sons manipulés au premier degré de la théâtralité que me fournit l’écriture électroacoustique. C’est encore une manière de se laisser glisser sur le fil d’un rasoir comme l’équilibriste que fut Icare : un risque pour ma réputation…

PAYSAGINAIRE

pour petite flûte, grande flûte, flûte basse et bande magnétique

1976 – 13’10

(à Flora)

Le titre de cette pièce évoque un paysage-tendresse. Le langage est formé de babils et de chuchotements, d’articulations rapides, d’une sève gorgée d’accents et de pirouettes musicales qui jouent avec les intonations, les attentes, les rires, les lapsus de la voix d’enfant.

La partition invite l’interprète à se glisser entre les deux compères-matériaux de la bande magnétique (voix et flûtes) pour souligner, surenchérir, précéder ou être à l’écho. C’est dans cette atmosphère légère et teintée d’humour que le mouvement, s’animant progressivement, entraîne l’accumulation et l’organisation de questions et de réponses entre les trois protagonistes. La fusion des petites structures, des graffiti et des coloriages sonores (marches, chansons, airs de boîte à musique, expressions enfantines de la voix) s’égrène doucement en partant du plus grave des instruments pour aboutir au plus aigu. Successivement : jeu grave, jeu badin, jeu accéléré et coda.


pour petite flûte, grande flûte, flûte basse et bande magnétique  

1976 13’10

(à Flora)

 

Le titre de cette pièce évoque un paysage-tendresse. Le langage est formé de  babils et de chuchotements, darticulations rapides, dune sève gorgée daccents et de pirouettes musicales qui jouent avec les intonations, les attentes, les rires, les lapsus  de la voix denfant.

La partition invite linterprète à se glisser entre les deux compères-matériaux de la bande magnétique (voix et flûtes) pour souligner, surenchérir, précéder ou être à lécho. Cest dans cette atmosphère légère et teintée dhumour que le mouvement, sanimant progressivement, entraîne laccumulation et lorganisation de questions et de réponses entre les trois protagonistes. La fusion des petites structures, des graffiti et des coloriages sonores (marches, chansons, airs de boîte à musique, expressions enfantines de la voix) ségrène doucement en partant du plus grave des instruments pour aboutir au plus aigu. Successivement :  jeu grave, jeu badin, jeu accéléré  et coda.

PARAGES

1973/1974 – 46′

(à Kevin Spencer)

I – 1 : Etude de matière, d’espace et de rythme : 13’50

II – 2: Le cycle d’lcare : 11’20

2.1 labyrinthe : 2’30

2.2 vol : 4’02

2.3 chute : 2’06

2.4 abysses : 2’38

III – 3 : Traces et réminiscences : 20’53

Dans quels «Parages» s’ouvre ce diaphragme sur l’infini ? Peut-être dans ces contrées limpides où les «négatifs» voilent en se superposant la perspective où bat le pouls de l’homme. Quand la matière s’éveille, l’homme n’est pas loin qui rêve de dompter ses secrets. Ainsi c’est un secret que de prédire la pulsation des espaces que Jacques Lejeune domine et où l’onde, le point, la ligne ne cessent d’écrire et de décrire face à la dilution cette persistance du danger de l’écriture elle-même.

Jacques Lejeune traverse souvent le tissu musical comme un paysage créant ainsi un déroulement des couleurs, des lieux et des évènements sonores qui lui est propre. Il affectionne le cycle, le cercle, l’éternel recommencement du mythe jamais vaincu. La matière sonore et la matière humaine du vécu se confrontent, s’unissent au-delà des processus musicaux. Je retrouve dans «Parages» une des constantes de l’oeuvre de Lejeune quand il déclenche le tumulte des éléments dont il domine la lame sourde qui est l’être de sa musique.

1. : Un déferlement de masses envahit l’espace, donnant naissance à des parcelles d’éclatement, à des implosions balayées dans un mouvement de flux et de reflux. Puis l’énergie se retire laissant ça et là quelques empreintes du rythme. Enfin cette exploration de la matière s’évase vers une idée de paysage dont la perspective formée de minces lignes de direction crée le relief. Quelques objets ponctuels cherchent leur position proche ou lointaine dans la géométrie déliée de l’espace changeant de plan comme l’électron change de couche. Des grattements électroniques, une granulation d’insectes crieurs mêlés à un tissu humain d’inquiétude figurent une jungle inconsciente et artificielle. La palpitation du rythme laisse place à des ondes pleines dont l’oscillation évolue parallèlement à un rythme mécanique. Des couches s’épaississant créent un rapport surface-profondeur et s’interpénètrent. Des trains s’emballent pour un voyage éclair, rapidement transfiguré en rythmes de tambour qui évoquent la danse humaine avant que les cloches, le cristal, l’eau, la voix féminine nous rappellent que l’auteur a choisi l’aboutissement transparent.

2.1 Par ses halètements mécaniques et humains , ses brisures, ses écarts, ses ruptures, l’angoisse nous saisit et nous porte d’une flèche inconsciente par son accélération lourde, oppressante vers l’issue que cristallisent les sonorités retrouvées du clavecin.

2.2 Un discours très linéaire, enguirlandé de volutes évoluera vers une perspective où sous et sur le langage s’amplifie son épaisseur jusqu’à l’illisibilité et l’éblouissement fatal.

2.3 Porté par l’air Icare n’est pas victime d’une chute brutale, il en connaît d’abord les paliers. Les percussions évoquent les courants descendants et ascendants et l’oreille visualise l’éloignement de la chute qui se dissout dans l’infini.

2.4 Dans cette descente au ralenti aux enfers liquides d’une douceur, d’un pointillisme délicat, d’une contexture multiforme, les visages interrogent. Icare est entraîné encore une fois dans un rapport surface-profondeur.

3. L’auditeur est projeté brutalement dans une matière qui s’amoncelle. Puis par une idée de variation-permanence les formes s’interpénètrent souvent dans des profondeurs différentes. Le lisible l’emporte sur l’illisible et vice versa. A cette donnée générale et fondamentale de l’oeuvre (amplification et dégradation des évènements sonores) s’ajoutent de multiples mécanismes internes qui articulent les différents changements de pression, de vitesse, de plan, de direction ou d’intensité du tracé musical créant ainsi des phénomènes de surcharges, d’empreintes, de traces et de réminiscences d’une matière en perpétuelle mouvance d’intentions.

Mais il faut surtout noter les phénomènes de transparence ambiguë. La rémanence, persistance dans le champ d’écoute, permet d’affirmer la volonté du paysage acoustique en même temps que des plans souples en révolution ne cessent dans leurs vagues oniriques de se recouvrir, de se dévorer les uns les autres comme s’ils interdisaient l’approche de la transparence. Des résurgences de deux ordres interviennent dans le cours de l’oeuvre : citations rappelant les pièces précédentes et impacts réalistes qui sont autant d’allusions au vécu de chacun. Il faudrait aussi parler de récurrence quand les objets semblent, en se réfléchissant sur un miroir contondant, s’amollir, se ralentir jusqu’à ne former que des traces troubles qui se raréfient et s’estompent retournant à l’invisible. (Alain Morin (1988)

PALPITATIONS DE LA FORET (LES)

1985 – 26’40

I – l. Tressaillements-palpitations (+/- 11′)

2. Personnage-paysage (+/- 5′ 30)

3. Lumière crue-lumière chaude (+/- 10′ 30)

La notion de séquence est incertaine, la césure n’existe pas. Il s’agirait plutôt de régions dans lesquelles le passage d’une séquence à une autre se perçoit lentement par le tuilage des matériaux. Les titres ne signifient plus une histoire avec ses différentes péripéties (« Blancheneige ») mais évoquent quelque chose de stylisé. C’est une autre vision de la forêt, beaucoup plus angoissante parce qu’elle perd ses repères anecdotiques.

C’est par le chaos forestier que commence brutalement cette pièce, par une forme extrême et colossale qui comprend à la fois le très grand et l’infiniment petit. Cette matière en fureur continue et trépidante est d’une pure indétermination ; Nous sommes dans le noir d’un puits sans fin qui étouffe, agresse et projette l’auditeur en lui indiquant un autre univers fantastique à son écoute : là où se confondent les formes humaine, animale, végétale et minérale avec les choses de l’inconnu.

Mais cette forêt devient, à certains moments, moins rude. On perçoit alors, dans la lueur d’un paysage nouveau, les signes feutrés d’images animalières, la présence estompée d’un personnage-foule, l’appel et les gémissements de ces cris anonymes ; puis finalement, dans la dilution définitive et apaisante de la sylve, apparaît une douceur sensuelle et lumineuse, en forme de berceuse, une sorte de chaleur harmonique qui se courbe devant le soleil naissant et se peuplent d’oiseaux flamboyants.

ORAISON FUNEBRE DE RENART

d’après le Roman de Renart, transcrit par A.M. Schmidt

pour soprano et sons instrumentaux échantillonnés

1994 – 14’30

« L’Oraison funèbre de Renart est une douce pièce aux sonorités évocatrices de la musique folk ou des sons médiévaux. Une petite ouverture fait entendre des interventions instrumentales répétitives, toute une palette bien organisée qui donne à l’ensemble une signature propre. Le traitement de la voix agile et même virtuose se soucie de prosodie, de sorte que le texte reste clair. La chanteuse doit être aussi -et peut-être d’abord- une récitante, une narratrice dont les inflexions doivent intéresser, susciter le suspense des auditeurs -et ici on peut imaginer les yeux écarquillés d’un jeune auditoire. Il y a dans ce genre de musique un aspect impondérable fait de mille riens qui revient à la diseuse, entourée par l’accompagnement instrumental d’un maillage fin et précis, commentant le texte avec insistance ou humour. » (Jacques Bonnaure, 1993).

OPÉRA D’EAU

1991 – 22’47

(à Violaine)

Des monologues, des duos ou des choeurs de personnages en situation d’opéra… ; une eau apaisante et folle, en susurrements minuscules et doux, en clapotis agiles, en sons aigus et de cristal, rapides et répétés, qui nous rappellent constamment l’image aquatique et ondiforme… Au delà, on entendra aussi cette pièce comme un échange entre deux matières vocales, entre deux mondes : l’un, celui d’une population humaine, charnelle dans ses expressions et dans ses débats étranges, disparaît progressivement; l’autre, celui d’une population d’êtres miniaturisés, femmes enfantines et oiseaux insectiformes, apparaît peu à peu et finit par envahir et recouvrir totalement le premier.